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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

à Calais et qu’il a traverse la Picardie, qu’il est venu aux portes de Paris, et qu’on dit aujourd’hui qu’il a changé de nom, repris l’habit français contre la jaquette arménienne, et qu’il a été mis en lieu de sûreté et ignoré de tout le monde, suivant ses désirs et sous la condition expresse qu’il se tiendrait tranquille à tout jamais, et qu’il ne ferait plus jamais et d’aucune manière parler de lui.


15 juillet 1767.

J’ai eu l’honneur de vous parler d’un Supplément à la Philosophie de l’histoire, qui a paru il y a quelques mois, en un assez gros volume. L’auteur lui avait donné ce titre insidieux dans l’espérance de se faire lire par tous ceux qui avaient lu la Philosophie de l’histoire, et d’administrer ainsi l’antidote d’office à tous les empoisonnés. Dans ce supplément, toutes les erreurs, impiétés, opinions dangereuses de ce livre se trouvaient confondues avec le plus grand soin ; la bêtise la plus scientifique brillait à chaque page. Charité inutile ! zèle perdu ! Personne n’a voulu profiter des instructions du savant supplémentaire, et il n’y a peut-être que moi en France qui aie eu le courage de lire son docte ouvrage, et qui en aie rapporté la récompense de me confirmer dans l’idée que j’avais du pieux auteur et de ses principes. Il ne manquait à ma satisfaction que de connaître le nom du bienfaisant supplémentaire, et j’apprends avec joie qu’il s’appelle M. l’abbé Larcher, ancien répétiteur de belles-lettres au collège Mazarin, dit des Quatre-Nations.

Je me doutais bien que la charité de M. Larcher envers l’auteur de la Philosophie de l’histoire ne serait pas semée en terre ingrate, et que le répétiteur du collège Mazarin serait remercié avec toute la reconnaissance imaginable pour le zèle avec lequel il avait bien voulu repasser la Philosophie de l’histoire. Cela n’a pas manqué d’arriver. Tout le monde, comme vous savez, est convaincu aujourd’hui que ce livre n’est point de M. de Voltaire, comme quelques folliculaires ont voulu l’insinuer, surtout depuis que celui-ci, par mégarde sans doute, l’a fait insérer dans ses œuvres ; mais qu’il appartient à feu M. l’abbé Bazin, dont le propre neveu l’a dédié à l’Impératrice de Russie à la face de l’Europe. Feu M. l’abbé Bazin, en tant