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OCTOBRE 1767.

ces messieurs avaient jamais calculé combien le travail d’un seul homme peut en nourrir d’autres, ils auraient vu que, pour le bien du laboureur, il ne faut pas que tout le monde laboure. S’ils avaient le jugement aussi sain et aussi droit que les intentions, ils auraient conçu que de ce que l’agriculture est écrasée en ce royaume, par une foule de mauvaises lois et de mauvaises pratiques, il ne s’ensuit pas que les arts, ni même un luxe nécessaire dont ils sont les enfants, soient la perte de l’art le plus utile de tous, celui qui nourrit et répand l’abondance parmi tous les enfants de la famille. S’ils avaient enfin un peu de goût, ils auraient senti qu’on peut bien passer à Jean-Jacques Rousseau ses incartades contre les lettres et les arts, parce que ses sophismes sont ingénieux et pleins de nerf et d’éloquence ; mais que des gens qui écrivent platement et d’une façon barbare n’ont nulle espèce de droit à notre indulgence par leurs rêveries.

En général, le mardi rural dans sa constitution actuelle me paraît être dans cet état mitoyen de pauvreté d’esprit, d’idées brouillées, de lueurs, d’abandon, de présomption, de confiance, où étaient les apôtres en attendant le Paraclet après l’ascension de leur patron. Pénétré de cet état de viduité, je m’humilie devant le souverain distributeur de toute lumière, et le prie, avec ferveur, de répandre son esprit d’entendement sur ces bons laboureurs, et de leur ôter l’esprit d’exagération et l’abondance des mots vides de sens, afin qu’ils apprennent à parler et à écrire intelligiblement, é savoir ce qu’ils diront, à fuir l’emphase ténébreuse servant de passeport aux lieux communs, à labourer, bêcher, piocher, défricher, fumer, engraisser, dégraisser, dessécher, arroser, améliorer, féconder, fertiliser tous les champs de la terre dans toute sa circonférence, de l’extrémité d’un pôle à l’autre, avec un peu plus de profit pour l’utilité commune et un peu plus d’avantage pour leur propre récolte. Amen.

— Les fêtes magnifiques et brillantes que M. le prince de Condé a données cet été à Chantilly ont fait pendant quelque temps l’entretien de tout Paris. Ces fêtes se sont succédé pendant trois semaines avec une variété charmante. Les attentions du prince pour tous ceux qui étaient venus y prendre part les ont encore rendues plus agréables. Tous les villages à deux