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OCTOBRE 1767.

Paris, il y a deux lieues. Nous sommes quatre ; c’est une demi-lieue par tête. » Voilà une image fidèle de la puissance de raisonnement de M. de La Rivière, excepté que celui-ci n’a pas le piquant du chevalier de Lorenzi. Je suis bien fâché que ce cher chevalier soit allé rêver quelque temps à Florence ; le départ de M. de La Riviére ne m’a pas fait le même chagrin.

J’ai parlé de la platitude de son style ; ce n’est pas le moindre grief que j’aie contre lui. On a beau dire ; l’élévation du style est l’effet immédiat et la preuve certaine de l’élévation des idées et des sentiments, et il ne faut pas croire qu’avec une âme terre à terre on soit appelé à instruire les hommes. Quand on ne sait pas élever son âme au niveau et à la dignité de son sujet, on peut être un fort honnête homme sans doute, mais il ne faut pas vouloir faire le précepteur des rois et des nations.

Je n’entreprendrai point ici de combattre dans les formes les idées de M. de La Rivière. Il n’est point de bon esprit qui ne sente à chaque page l’abus des mots et le vide des raisonnements. Son livre est d’ailleurs déjà si profondément oublié que ce serait s’attaquer à une chimère. L’auteur a cru qu’en entassant à chaque fois une douzaine d’impossible l’un après l’autre il s’était réellement rendu maître des possibilités, et qu’en mettant à tout la sauce de physiquement nécessaire et de physiquement impossible, d’incommutablement appartenant, d’essentiellement déterminant, il avait donne à ses raisonnements une force irrésistible inconnue jusqu’à ce jour. Mais toutes ces plates et fastidieuses formules qu’on retrouve à chaque page de son livre, et qui en rendent la lecture si déroutante, ne servent qu’à lui donner l’air d’un déraisonneur d’autant plus intrépide qu’il ne se doute jamais de la véritable difficulté de la question.

Sa première partie, qui traite de la meilleure constitution de gouvernement, est un chef-d’œuvre de galimatias : son despote légal à qui il faut un pouvoir illimité, et que l’évidence met dans l’impossibilité physique d’en abuser et de faire jamais le moindre mal à son peuple ; qui a néanmoins besoin d’un corps de magistrats pour être les gardiens de la certitude et pour attester aux peuples que le souverain suit l’évidence, le tout, pour montrer la nécessite physiquement essentielle des parlements de France et de leur droit de faire des remontrances, et cela, parce que l’auteur a été autrefois conseiller au Parlement, et qu’aucun