Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/47

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avantage pût contre-balancer l’inconvénient de la laideur : la beauté, la grâce des formes et des figures, paraissent la qualité principale et la plus essentielle du comédien, quoiqu’on puisse les posséder sans talent. Mlle Sainval n’a pu continuer son début, parce qu’elle est grosse de plus de cinq mois. On dit qu’elle à le malheur d’être passionnée pour un mauvais sujet, de mœurs aussi basses que d’extraction, et qui la maltraite indignement sans pouvoir la guérir de son malheureux penchant : autre raison pour espérer peu de Mlle Sainval, malgré ses dispositions. Le désordre et la bassesse sont ce qu’il y a de plus contraire à la perfection de l’art dramatique. Il n’y a point de profession qui ait autant besoin d’enthousiasme et d’élévation de sentiments que celle du comédien ; mais vu que nous sommes des oisifs qui n’allons au spectacle que par désœuvrement, et très-peu curieux de la perfection de l’art, tout est bon pour nous. La réception de Mlle Sainval ne sera décidée qu’après ses couches, ce qui fera une espèce de second début ; mais je crains-que, malgré ses succès, elle ne parvienne jamais à mériter une place dans l’histoire du Théâtre-Français à côté des Le Couvreur et des Clairon.

— Jean Astruc, docteur-régent de la Faculté de médecine de Paris, vient de mourir, âgé de plus de quatre-vingts ans[1]. C’était un praticien médiocre, et même très-mauvais, à ce que je crois ; mais c’était un savant médecin. Son traité des Maladies vénériennes[2], écrit en latin, l’a rendu célèbre parmi les médecins de toute l’Europe, et par les connaissances qu’il renferme, et par la manière dont il est écrit. Il s’en faut bien que son dernier ouvrage Sur les Maladies des femmes[3] mérite le même éloge. Il est plein de faussetés ; non que l’auteur ne sût dire la vérité, mais parce qu’il la sacrifiait à l’intérêt le plus frivole. Ainsi, dans ce dernier traité, pour soutenir un système qu’il à cru devoir adopter, il a mieux aimé changer la forme de la matrice dans les femmes, et la représenter autrement qu’elle n’est, que de convenir que son système est faux : procédé très‑capable d’induire en erreur de jeunes médecins, mais dont le

  1. Astruc, né en 1684, mourut le 5 mai 1766.
  2. De Morbis venereis, libri sex. La première édition est de Paris, 1736, in-4o. Il y en a une traduction de Jault, qui a été plusieurs fois réimprimée. (T.)
  3. 1761-66, 6 vol, in-12.