Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 7.djvu/69

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C’est un jeune musicien qui ne manquera pas de talent[1]. Son petit opéra des Pécheurs est plein de variété et de jolies idées ; il va être gravé. Il a aussi publié beaucoup de musique instrumentale. On l’accuse de piller, et cela peut bien être ; mais du moins sait-il le secret de Philidor, c’est-à-dire piller avec goût et avec esprit.

— Le 12 du mois dernier, M. Champion de Cicé, évêque d’Auxerre, a prononcé l’oraison funèbre de feu M. le Dauphin devant l’assemblée générale du clergé de France, dans l’église des Grands-Augustins. J’ai ouï dire que jamais sermon n’a eu une vertu plus soporifique que celui-ci, et que nos seigneurs les prélats de l’Église gallicane, qui faisaient les honneurs de cette cérémonie, étaient tout honteux du froid mortel qui avait saisi tous les auditeurs. Il faut que M. l’évêque d’Auxerre ait le débit plus somnifère qu’un autre, car, depuis que son Oraison funèbre est imprimée[2], on s’aperçoit qu’elle est bien aussi mauvaise que celles qui nous sont venues d’ailleurs sur ce triste sujet, mais qu’elle ne mérite aucune distinction particulière.

— Depuis qu’on sait que M. de Belloy a dans son portefeuille une tragédie de Gabrielle de Vergy et de Raoul de Coucy, tous nos petits poëtes ont voulu faire revivre ces noms dans leurs productions. On vient de réimprimer aussi à cette occasion l’Histoire véritable, galante et tragique de la comtesse de Vergy et de Raoul de Coucy, époux et amants fidèles, en deux parties. Vous y trouverez des aventures bien tragiques rapportées d’un style bien faible. Mais il ne paraît pas que ce soit le roman qui ait fourni à M. de Belloy le sujet de sa tragédie. Gabrielle de Vergy est cette épouse, aussi vertueuse qu’infortunée, à qui un époux barbare et jaloux fait servir le cœur de son amant dans un repas. Ce monstre, après l’avoir vu manger de cet horrible mets, met le comble à sa rage en lui déclarant cet affreux mystère. Voilà assurément un sujet tragique. M. le duc de La Vallière en a fait une romance qui est assez connue, Je désire que M. de Belloy ait eu assez de talent pour traiter ce sujet. Depuis la retraite de Mlle Clairon, il n’a pas voulu risquer sa tragédie au théâtre, et il attend sans

  1. Gossec, qui a répondu à l’attente de Grimm, est mort en 1828, âgé d’environ quatre-vingt-quinze ans, (T.)
  2. 1766, in-4o.