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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

on ne peut se dissimuler que les faits d’armes du champion Bergier sont au fond pitoyables, et que ses doctes écrits sont un tissu de pauvretés cousues avec une mauvaise foi choquante pour tout ce qui ne croit pas qu’on doive sacrifier la vérité à l’espérance d’obtenir quelque bénéfice. Faisons des vœux pour l’auteur des Conseils raisonnables et pour qu’il nous donne souvent de semblables écrits ; c’est un des meilleurs qui soient sortis depuis longtemps de cette manufacture si abondante en productions excellentes. Je n’aime cependant pas le premier conseil. L’auteur reproche au champion Bergier d’avoir traité Marie de Médicis comme complice de l’assassinat de Henri IV ; et il le lui reproche comme je ne peux souffrir qu’on reproche, en lui faisant un crime d’accuser l’aïeule du roi d’une action si horrible. Messieurs les bacheliers, cette tournure n’est pas digne de vous ; il faut la laisser aux Cogés et aux cuistres dont vous l’avez prise. Quand on lit avec attention l’histoire de ce siècle abominable, où le meilleur des rois fut assassiné au milieu d’un peuple qui n’en était pas digne, on ne peut s’empêcher, malgré qu’on en ait, de soupçonner la reine. Si on lui fait tort, elle a du moins fait tout ce qu’il fallait pour s’attirer ce soupçon, et sous aucun point de vue il ne saurait être regardé comme un crime. Mais quand la reine serait évidemment coupable, il ne s’ensuivrait pas, comme le prétend l’abbé Bergier, que le meurtre de Henri IV ne fût pas l’ouvrage de la fureur du fanatisme qui dominait les esprits dans ces temps funestes. Quelle puissance infernale aurait osé plonger le fer dans le sein du grand et bon Henri, si le fanatisme le plus aveugle n’avait conduit son bras ? Il ne faut pas qu’un historien accrédite légèrement et sur des bruits vagues des crimes cachés, mais il ne faut pas non plus se refuser à l’évidence qu’un concours de circonstances rend souvent irrésistible, et j’observe à MM. les bacheliers que la qualité d’aïeule de la maison de France d’aujourd’hui ne disculpe Marie de Médicis en rien ni de ce soupçon, ni des malheurs sans nombre dont la mort du roi son époux, et sa régence, furent l’époque, et dont elle fut, elle seule, la cause immédiate.

Il nous est venu, cet ordinaire, de la manufacture de Ferney, un écrit de quarante pages in-8°, intitulé la Profession de foi des théistes, par le comte Da… au R. D., traduit de l’allemand.