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CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE.

fait sur son Éloge du Dauphin dernier. Il juge dans un autre sens l’Abrégé chronologique du président Hénault avec la dernière rigueur, et le met en miettes. On a beaucoup blâmé ce dernier procédé. On a trouvé cruel de briser à ce pauvre président sa couronne d’osier, lorsqu’il ne lui restait plus qu’un moment pour la porter ; et il aurait sans doute mieux valu le laisser mourir en paix que d’empoisonner ses derniers instants, par une critique impitoyable de son Abrégé. D’ailleurs, la main d’où partent ces coups doit les lui rendre encore plus sensibles. L’Abrégé du président doit une grande partie de son existence aux éloges qu’il a reçus de M. de Voltaire ; si c’est lui qui le déprime ici, c’est un coup mortel porté par une main amie. Mais qu’est-ce que font toutes ces considérations personnelles dans l’immensité du temps qui nous engloutit ? Tout se réduit à savoir si la critique qu’on fait ici de l’Abrégé est juste et fondée. Si les éloges que cet ouvrage a reçus ont été outrés, quel mal y a-t-il de les réduire à leur juste mesure ? Cela peut fâcher les amis du président et les affliger même avec raison ; mais cela doit être indifférent au public, qui n’a d’autre intérêt que d’empêcher que ni l’éloge ni la critique d’un ouvrage ne soit outré, ni d’autre rôle que de mépriser les éloges exagérés et de détester une critique injuste et amère. Or pour savoir si l’Abrégé du président Hénault n’a pas été loué outre mesure quand on l’a compté parmi les ouvrages qui doivent faire époque dans l’histoire de l’esprit humain, il faut supposer qu’il ait été fait par un pauvre diable de littérateur dans un grenier du faubourg Saint-Marceau, et se demander de bonne foi s’il aurait reçu le même accueil.

Il me reste, en ma qualité d’avocat pour et contre, à rapporter ici les raisons qui peuvent faire douter que cette brochure sorte de l’atelier de Ferney, ou du moins les précautions que l’auteur a prises pour nous donner le change. Je ne regarde pas comme telles le reproche que l’auteur fait quelque part à M. de Voltaire d’avoir écrit l’histoire trop en poëte. C’est un artifice connu de s’égratigner pour avoir droit de se ranger du côté de ceux qu’on a blessés à mort ; mais voici quelques considérations qui peuvent réellement donner le change.

L’auteur de l’Examen a fait imprimer à la suite de sa brochure une feuille de M. de Voltaire connue depuis deux ans, et