Page:Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier, tome 8.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
109
JUIN 1768.

çaise et la musiques ont de M. de Mondonville, qui a sur l’auteur du Devin du village l’avantage d’avoir non-seulement fait, mais aussi traduit son poëme. Ce poëme est une misérable rapsodie dont un patois naïf et agréable cachait l’insipidité en partie, mais qui, rendue en français, est devenue pitoyable. L’auteur a conservé la même musique sur les paroles françaises. Plusieurs jolies romances qui ont fait la fortune de cet opéra dans sa nouveauté l’ont fait réussir à cette reprise ; mais il a surtout réussi par les ballets, qui sont charmants et où Dauberval et Mlle Allard ont été plus brillants que jamais ; Mlle Guimard y danse aussi un pas très-intéressant. Du reste, c’est un misérable compositeur que ce Mondonville, plat, trivial, commun, jouant sans cesse sur le mot, vrai musicien de guinguette, qui serait chassé à grands coups de sifflet de tous les théâtres de musique en Europe, et qui est aujourd’hui une des grandes colonnes de l’Académie royale de musique. Dieu dans sa colère tient les oreilles de son peuple endurcies.

M. de Surgy, auteur de plusieurs morceaux sur l’histoire naturelle, vient de publier un livre intitulé Histoire naturelle et politique de la Pensylvanie, et de l’Établissement des quakers dans cette contrée, volume in-12 d’environ trois cents pages. L’auteur a composé son ouvrage de deux ouvrages étrangers qu’il a traduits librement. L’un est celui de M. Kalms, Suédois, envoyé en Pensylvanie en 1747, par le roi de Suède, pour seconder les vues du savant baron Linné ; la principale attention de ce voyageur s’est portée sur l’histoire naturelle. L’autre est une relation du sieur Gottlieb Mittelberger, organiste et maître d’école allemand, qui a exercé sa profession pendant environ quatre ans dans un bailliage allemand de cette colonie. J’aime M. Gottlieb Mittelberger à la folie, et ses platitudes me font un plaisir infini. Voilà les voyageurs en qui j’ai confiance ; et quand les Diderot et les Buffon se mettraient à voyager, je me fierais bien moins à leurs relations qu’à celle de Gottlieb Mittelberger. M. de Surgy, ne consultant que la délicatesse française, a supprimé bien des détails de cet honnête organiste, qui commence son journal par ces mots : « Je partis au mois de mai 1750 d’Enzweihingen, ma patrie, pour me rendre à Hailbron, où je trouvai un orgue destiné pour Philadelphie. » Je suis persuadé, quoi qu’en dise M. de Surgy, qu’il n’y a pas un mot à perdre