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IMPRESSIONS D’UN JAPONAIS

royal ; il marche d’un pas assuré vers le duc et lui remet une lettre du roi, lettre qui le complimente d’abord sur ses rares vertus, sur son intelligence hors ligne, et le nomme ensuite ministre aux acclamations des invités et du public.

La lecture de cette missive, toute confidentielle, se fit à haute voix. L’allégresse fut donc générale. Le messager, qui, durant une partie de la scène, avait tenu un genou plié en terre, se relève et regarde avec surprise le duc.

— Misérable ! s’écria-t-il tout d’un coup en lui sautant à la gorge, tu as tué ma mère !

Vous jugez de l’effet produit.

Le duc était alors très-pâle ; il ne perdit pas son sang-froid et répondit avec un suprême dédain : — Cet homme est fou.

— Vengeance ! s’écria de nouveau le messager ; assassin de ma mère, souviens-toi de la nuit du 25 avril ! Assassin ! meurtrier ! vengeance !

Cet homme me parut très-ému ; il gesticulait sur la scène avec une irritation, en vérité, très-bien simulée.

Le duc fut contrarié ; il sut pourtant se maîtriser.

— Eh quoi ! messieurs ! s’écria-t-il enfin, on insulte devant vous votre ministre, et vous ne le défendez pas !

Aussitôt les seigneurs jurèrent que jamais vertu ne fut plus éclatante que la sienne, et, tirant chacun leur