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gouttes de sang très-noble coulaient dans leurs veines. Sans cela presque tous auraient couru grand risque d’être aussi peu connus que les paysans de vos campagnes. La mort devait les niveler. Ce musée détruit l’équilibre ; cette collection consacre les faveurs du hasard. Or donc, ce que je voudrais, c’est un musée des grands cœurs. La pauvreté y coudoierait l’opulence. À côté des haillons du pauvre mort en faisant le bien, on distinguerait le sceptre du souverain qui aurait été le père ou le dieu de son peuple. Que de sublimes leçons enseignées alors par ce musée ! L’égalité, ce rêve éternel des belles âmes, aurait au moins son domicile dans ce palais des souvenirs ! J’y vois déjà, au premier rang, le large glaive et la couronne de ce monarque qui, chez vous, a jeté les bases de la justice, et, bien qu’ignorant, a compris l’avantage de la science. J’y vois l’armure de cette courageuse jeune femme qui a sauvé la France. J’y vois les souvenirs de cet immense génie qui, il y a soixante ans, plaçait votre nation au premier rang des peuples civilisés.

Ce chapeau usé, percé de balles, qui couvrait sa tête ; cette redingote si simple qui enveloppait ses épaules, parlent à mon esprit et l’enthousiasment ; car cet homme qui les portait n’était rien et a été tout. Enfant du peuple, il s’est élevé, ouvrant devant lui la voie large à tous ceux qui ont du cœur. Voilà ce qui m’impressionne.