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les voies de l’amour

Je ne voyais plus qu’un pauvre petit visage ravagé, des yeux brillants de fièvre, trop grands, qui empiétaient sur des joues creuses, des lèvres minces dont la couleur se confondait avec celle des dents, un teint flétri, des mains longues, fines, en marbre blanc veiné de bleu pâle. Elle n’était plus qu’une petite chose pitoyable dans ce grand lit blanc. Entre nous deux, seuls dans cette chambre, c’était un silence infini, le silence devant la mort.

« En l’espace de temps qu’un éclair met à parcourir le ciel, j’eus la vision de tout mon passé : la première rencontre des deux bambins au bord du lac artificiel ; la jolie petite fille aux cheveux bouclés, jetant, du haut du pont japonais, des miettes de pain au fretin que j’essaie d’attraper avec mes menottes ; la scène joyeuse de la petite Andrée qui reçoit le chaton tout enrubanné que j’ai sauvé des eaux ; ma petite amie qui pleure sa chatte disparue un soir et mangée par le gros matou ; nos jeux et nos dînettes dans la grande maison de mon père sous les regards débonnaires des bouddhas ventrus ; le garçonnet qui porte les livres de la fillette s’en allant à l’école ; le départ attristé pour le pensionnat ; nos promenades dans les belles allées de nos jardins ; la cueillette des fleurs qui dévoilent nos pensées et nos désirs ; nos vacances sur la plage ; nos serments dans la petite chapelle ; et puis c’était le parjure hideux qui cheminait insou-