Page:Cotret - Les voies de l'Amour, 1931.djvu/222

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
220
les voies de l’amour

dans mon fauteuil ; je rallumai ma pipe et je prêtai de nouveau une oreille attentive au récit du fou qui continua ainsi, toujours de la même voix traînante, hésitante.


« Je jetai donc, dit-il, l’aînée dans les bras de mon ami dans l’espoir qu’il oublierait, dans les délices d’un nouvel amour, la petite villageoise qui l’aimait tant et que lui-même chérissait tant. À mon ami je vantais la grande beauté de la jeune fille de la pension, beauté, dont il n’avait pas encore remarqué tous les attraits parce que son amour aveugle de la campagnarde lui obscurcissait la vue. Il était tellement habitué à voir cette dernière qu’il ne s’apercevait plus de l’irrégularité de ses traits, de son regard sans feu ; c’était une beauté fade, sans vie, tout juste propre à contenter les prétentions d’un campagnard ; c’était une pâquerette des prés qui pousse à l’état sauvage, sans culture aucune au gré du soleil et des vents ; tandis que la première était une reine-marguerite avec tout l’éclat, la fraîcheur et la fragrance d’une fleur cultivée en serre-chaude, la joie et l’orgueil futurs d’un homme supérieur comme lui. Je vantais l’esprit raffiné et les qualités superbes de la bonne ménagère et de la grande dame qui serait sa nouvelle amie, la petite fille de la pension. Je revenais souvent mais discrètement sur ce sujet. J’étais déterminé à prendre tous les moyens possibles pour arriver à mon