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les voies de l’amour

grandes réunions bruyantes qui le laissaient froid et insouciant. Aussi étais-je obligé de le remplacer et d’accompagner notre voisine partout où elle aurait voulu voir le chéri de son cœur. Quand je dansais avec elle, elle me disait souvent son grand amour pour mon frère et son regret de ne pas l’avoir plus souvent avec elle. Le souvenir de cette amie réveille en moi d’autres souvenirs beaucoup plus chers. En ce moment, je revois mon père, ma mère, mes frères, nos réunions de famille ou d’amis, dans notre grande maison en bois, à façade peinte en brun, à toit pointu, à lucarne ombragée par de grands ormes au gros feuillage touffu et vert. Je revois le sourire de mon père quand il nous réunissait avec nos nombreux amis, tous étudiants en médecine dont vous étiez presque toujours, autour d’une table bien garnie des mets les plus substantiels, les plus succulents et les plus variés. Ah ! le bon sourire sous la grosse moustache noire ! J’entends encore la voix sympathique de ce bon père quand il lisait les romans de Henri Conscience et d’Émile Chevalier que ma mère écoutait avec plaisir pendant qu’elle reprisait les chaussettes ou les habits de ses six fils. Je revois, dans ce coin de la ville où j’ai passé près de la moitié de ma vie, les années les plus belles et les plus heureuses car elles furent remplies des joies de l’enfance, des plaisirs et des espérances de l’adolescence et de la jeunesse. Ce coin tranquille de la ville n’est plus ;