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les voies de l’amour

Par contre, Pierre était grand, gros, lymphatique, d’une pâte molle. Il ressemblait à ces beaux dogues d’autant plus doux qu’ils sont plus gros. Il aurait peut-être fait une bouchée de Vincent, mais il aimait mieux le taquiner que le manger.

Jean Bruneau et Oscar Labelle, les deux autres vis-à-vis, se ressemblaient plus au physique qu’au moral. Tous deux grands, toujours bien mis, et portant encore la redingote des médecins de l’ancien temps, ils en imposaient par leur prestance qui leur avait valu plus de succès que leur science plus que douteuse ne le faisait prévoir. Jean Bruneau avait toujours eu assez d’empire sur soi pour cacher son caractère acariâtre dans sa clientèle ; mais quand il rencontrait ses amis dans l’intimité, il redevenait ce qu’il avait été dans sa jeunesse. Il aimait à piquer et à déprécier la valeur d’autrui. Oscar Labelle, au contraire, était toujours le vrai gentilhomme au langage élégant et poli, aux manières affables et recherchées.

Malgré la grande différence de leur caractère, ces six amis aimaient à se rencontrer souvent chez les uns ou les autres. L’intimité de leur vie d’étudiants était toujours restée vivace entre eux et leur jeunesse semblait leur revenir chaque fois qu’ils se retrouvaient. Ce soir-là, chez Michel Toinon, autour de la table si bien garnie de vins généreux, leur jeunesse s’était ravivée plus que