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les voies de l’amour

j’occupe et qui me vient de mes ancêtres et dans laquelle ma propre mère aimait tant me bercer. Je me rappelle parfaitement ces moments délicieux quand, étant âgé de cinq ou six ans, ma mère me prenait encore sur ses genoux et se plaisait à me décrire le vieux berceau de famille qu’elle avait enrubané des plus beaux tissus et des plus belles dentelles. En ce moment, plus que jamais, je le vois ce beau groupe d’une mère berçant son enfant qui l’écoute en la regardant avec des grands yeux curieux. La voix de ma mère était si douce et dépeignait si bien le berceau, les boucles de rubans, les plis de dentelles, les franges et les hochets suspendus, que tous les soirs à l’heure du coucher, je prenais ma mère par la main, je l’attirais vers la grande berceuse, je sautais sur ses genoux, et je redemandais l’histoire de mon beau berceau. J’aimais cette histoire qui m’enchantait et m’endormait comme d’autres enfants aiment entendre la chanson de la Petite Poulette Grise. Tous les soirs j’ai voulu remplacer la mère de ma fille que j’endors comme ma mère m’endormait dans cette grande berceuse. Ce soir je veux ma fille sur mes genoux. Je lui dirai des chants plus plaintifs, mais sa présence me donnera du courage. Quand la douleur et le chagrin me feront verser des larmes, je la presserai sur mon cœur, j’en éprouverai un soulagement. Si elle-même en ressent trop de peine, je la bercerai comme ma mère me berçait et comme je la berce toujours pour l’endormir. »