Page:Cottin - Œuvres complètes, Ménard, 1824, tome 1.djvu/31

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feint des discours hardis pour en entraîner de plus hardis encore ; par ce moyen il se met à l’abri du soupçon, et court vendre impunément sa mémoire. En un mot, son existence est une convention éternelle entre la bassesse et l’autorité. Peut-être se fût-elle amusée de cet homme inquiet que tout agite, que rien ne calme, qui promène partout les fantômes de son esprit, et qui s’alarme à un tel point de tout ce qui sent la hardiesse, que ses propres paroles l’effraient, et qu’il est prêt à s’expatrier s’il parvient à s’entendre. Son caractère inquiet l’oblige à savoir tout ce qu’un homme d’esprit ignore. Il ne conçoit pas la sécurité de l’homme ignorant, dont les réflexions balourdes tombent dans une conversation comme une masse imprévue, et qui réjouit par son jargon ceux qu’il habitue à sa présence. Il est aussi embarrassé pour dire ce qu’il sait, que pour apprendre ce qu’il ne sait pas. Il s’afflige quelquefois sans sujet, se console toujours sans raison, et vit tranquille au milieu de la société, à l’abri de toutes les inquiétudes de l’esprit. Ses amis ont cependant un peu de peine à s’accoutumer à lui ; la profonde ignorance a son mérite, mais elle pèse à la longue. Il est vrai qu’elle eût