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empires de l’ouest : perse

livrée à Nehavend, à l’entrée des montagnes, leur permit de s’emparer d’Ispahan et d’Istakhr. Comme jadis Darius iii fuyant devant Alexandre, le roi Yezdegerd iii fut assassiné par un de ses satrapes dans la région de Merv où il s’était réfugié. Ses héritiers purent gagner la Chine où traités royalement, ils vécurent à la cour des Tang, à Singanfou.

Il se passa alors un de ces faits qu’en enseignant l’histoire on se borne si souvent à enregistrer sans les expliquer et qui, faute d’éclaircissements, égarent le jugement et deviennent des sources d’erreurs abondantes. La Perse changea de religion. Elle entra dans l’Islam ; du moins elle en prit l’étiquette. La guerre arabe n’était pas alors ce qu’elle fut plus tard : une guerre de domination. C’était une guerre de conversion. Confesser Mahomet ou mourir, telle était l’alternative unique pour les rudes bédouins sans culture qui la conduisaient. Épuisés comme nous venons de le dire par l’effort inutile que leur avait demandé Khosroès ii, les Perses plièrent devant cette violence fanatisée et irrésistible. Ils semblent l’avoir fait sans trop de peine. C’est qu’entre la lettre du Coran et la lettre de l’Avesta, il n’y a point d’incompatibilité absolue. C’est l’esprit qui diffère. Les Perses gardèrent celui de l’Avesta. D’ailleurs moins de cinquante ans après la conquête, ils avaient déjà adhéré à l’islamisme dissident connu sous le nom de Chiisme. Les chiites étaient tout simplement les partisans d’Ali, gendre de Mahomet, en rebellion contre les califes de Damas auxquels ils reprochaient d’être des usurpateurs et d’avoir des mœurs relâchées. Les Perses avaient un autre grief ; c’est que, dès le principe, les califes de Damas s’étaient entourés d’éléments grecs et laissé pénétrer par l’hellénisme. L’adhésion des Perses au chiisme fut un geste de nationalisme instinctif. D’ailleurs, à peine y furent-ils entrés qu’ils le transformèrent pour l’accommoder à leur mentalité. En opposition à l’orthodoxie immobile et aride, ils en firent une Église souple, ondoyante où le mysticisme, le panthéisme et le rationalisme purent évoluer librement au gré des tempéraments individuels. Darmesteter a pu écrire en toute vérité que « l’islam de la Perse n’est point l’islam » mais bien « sa vieille religion encadrée de formules musulmanes ». La pensée persane demeura donc vivante et libre. Comme, d’autre part, les Arabes s’abstinrent toujours de chercher à coloniser l’Iran soit par répugnance instinc-