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mais perdirent, semble-t-il, leur aptitude à devenir des agents de civilisation. Istami, chef des Turcs occidentaux de l’Asie centrale (568-574) conçut bien avant Gengiskhan le plan attribué à ce dernier : la création d’un grand courant d’échanges entre l’occident et la Chine. Et au lieu de procéder par le fer et le feu comme devait l’oser le sinistre mongol, il y employa les voies diplomatiques. Il s’adressa d’abord au roi de Perse puis, éconduit, à l’empereur. Byzance hésita ; quand elle se décida enfin, Istami venait de mourir. Son peuple campait alors au sud de la mer d’Aral ; l’Oxus lui servait de frontière provisoire. Quelques siècles plus tard nous voyons une autre tribu turque, celle des Keraït, demeurée au sud du lac Baïkal, adhérer solennellement au christianisme nestorien qui lui est apporté par l’évêque de Merv. Les deux cent mille Turcs de cette tribu se font baptiser en bloc avec leur khan dont la réputation embellie par la légende se répand jusqu’en Europe où on le désigne sous le nom de « prêtre Jean ». Les Naïmanes, autre tribu voisine, sont également chrétiens — et aussi les Oïgours, peuplade remarquable chez laquelle le sang turc est mêlé d’éléments tokhares c’est-à-dire semi-aryens. Tous ces faits indiquent bien une race qui n’est pas vouée à l’intransigeance et à l’immobilité, une race plus fine que la mongole, sa sœur d’origine et devant laquelle paraissent s’ouvrir des destins heureux et variés.

L’introduction de l’islamisme dans le milieu turc se fit par la conversion d’une dynastie des Turcs Karluk lesquels, au début du xme siècle, se trouvaient maîtres du Turkestan oriental ou Turkestan chinois. Les Karluk n’étaient pas très fixés s’ils voulaient être chrétiens ou bouddhistes. L’islam les départagea. Les chefs y ayant adhéré, leurs sujets suivirent. Un foyer mahométan se trouva de la sorte constitué en Kachgarie. Lorsque les Arabes eurent occupé la Perse, ils se trouvèrent pour la première fois en contact avec les Turcs et une réciproque aversion se manifesta aussitôt entre eux. C’est un élément dont on ne tient pas assez compte que cette antipathie spontanée. Elle explique beaucoup de faits passés et peut-être n’est pas encore hors de cause de nos jours. Le désir de prendre en Iran la place des Arabes, la jalousie de voir ceux-ci en possession de régions enviables et qu’ennoblissaient de grands souvenirs ne cessèrent dès lors de travailler l’âme turque. Les Seldjoucides réalisèrent le rêve national. Nous avons vu sur le trône de Perse passer Togroul Beg, Alp Arslan, Melik Shah, souverains turcs. Alp Arslan battit et captura l’empereur byzantin Romain Diogène à la bataille de Menazgherd en Asie-mineure (1071)