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la revanche de tammany

besogne ou la contrôler : rien qui ressemble aux corporations de Londres ou aux préfectures parisiennes. Les électeurs sont seuls en face d’une tâche énorme ; puisqu’ils n’ont pas le loisir de la remplir en s’associant, force leur est de recourir à des intermédiaires : les gens de Tammany s’offrent à eux pour jouer ce rôle.

Oui, ce sont des voleurs mais des voleurs intelligents, malins et qui empêchent les autres de voler ; tout le monde mettrait la main dans le sac si les cordons du sac n’étaient énergiquement serrés, à défaut des honnêtes gens, par ces voleurs-là. Naguère la part qu’ils prélevaient pour eux-mêmes était devenue si grosse que les citoyens révoltés firent un effort pour briser Tammany ; mais cet effort, ils ne sont pas disposés à le recommencer. La leçon, du reste, a porté : Tammany ne franchira plus les bornes de la prudence en manière de corruption ; ses chefs sentent jusqu’à quel chiffre on peut tondre le contribuable et ce chiffre ne sera pas dépassé. Le New-Yorkais en a la conviction et voilà d’où vient sa sérénité d’âme ; car, n’en doutez pas, il envisage sans ennui la chute de M. Seth Low et ses conséquences ; il est seulement un peu contrarié quand il regarde du côté de l’Europe parce qu’il craint que les vieilles gens de là-bas, à la bonne opinion desquels il tient plus qu’il ne l’avoue, ne se scandalisent de ce revirement.

Ah ! si l’on pouvait trouver des demi-voleurs ou même des quarts de voleur qui ne prendraient que 10 pour 100, par exemple, là où les autres en prennent 40 ! Si l’on pouvait constituer un second Tammany Hall, moins exigeant et moins coûteux ! Ce serait une solution parfaite ; les suffrages des New-Yorkais iraient en foule vers cette compagnie-là, bien préférable à sa rivale puisqu’elle ferait la même chose à moins de frais. Tout le monde y trouverait avantage et chacun serait content.