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la visite

plus si M. Loubet va à la messe. Un temps viendra où catholiques et protestants pourront indifféremment occuper la présidence des États-Unis, du Chili, de la République Argentine, de la Confédération helvétique. Le jour où le chef catholique d’une de ces démocraties voudrait, se trouvant à Rome, y saluer le pape, celui-ci serait donc forcé de lui refuser l’audience qu’il aurait accordée à son prédécesseur protestant ?… Cela n’a point de sens.

Enfin — dernière considération — ce n’est pas la réception du président Loubet qui créerait un précédent au détriment du Saint-Siège, ce serait plutôt sa non-réception. Si la visite n’a pas lieu, le pape protestera-t-il ? publiera-t-il une Encyclique indignée ? fulminera-t-il une excommunication ? Non, assurément, car en ce faisant, il nuirait aux intérêts sacrés dont il a la garde. Pie x s’enfermera dans le silence et affectera d’« ignorer » la présence à Rome du chef de l’État français ; cet incident n’influera pas sur son attitude à l’égard de la France ; d’un commun accord on évitera d’en parler et le nonce s’absentera quelques jours de Paris pour n’en rien savoir.

Voilà qui sera de nature à lever les scrupules des autres chefs d’États catholiques, tentés de visiter à leur tour Victor-Emmanuel. Ils sauront qu’ils peuvent le faire sans s’exposer au plus léger dommage. Pour avoir voulu assimiler M. Loubet à un souverain héréditaire et lui avoir appliqué une règle d’un caractère nettement dynastique, on aura facilité à toutes les cours l’accès du Quirinal… Est-ce bien là ce que l’on cherche ?

La conclusion de tout ceci, c’est que la fameuse visite doit s’accomplir ; tout le monde y a intérêt et personne ne se trouverait bien qu’elle n’eût pas lieu. Il s’agit de la rendre possible en faisant de part et d’autre les concessions nécessaires.