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la lumière du nord

damentale d’une école scientifique et dont l’absence, si longtemps, avait causé la faiblesse de la nôtre.

Ce n’est pas apparemment d’Italie que nous aurions pu rapporter le germe d’une semblable rénovation. Est-ce l’Espagne qui nous aurait fourni des modèles pour transformer notre système d’éducation et pour assurer à nos adolescents les bienfaits d’un entraînement corporel dont jusqu’alors nous paraissions ignorer la valeur et d’un développement du caractère et de la virilité dont nous n’arrivions pas à trouver la formule ? En regard de ce qu’ont rêvé certains réformateurs à idées fixes, la réalité présente peut sembler minime ; mais quiconque voudra comparer l’état actuel des choses pédagogiques avec ce qui existait il y a vingt ans reconnaîtra la longueur et l’importance de l’étape qui a été parcourue. De même que la science française n’a rien sacrifié de son caractère national pour avoir appris à se servir des méthodes allemandes, de même notre pédagogie n’a point abdiqué son indépendance en mettant à profit l’expérience anglaise. Encore faut-il avoir la franchise d’admettre l’origine des principes que nous avons utilisés dans la réfection de ces rouages essentiels du progrès collectif.

Dresser le bilan d’une pareille importation n’équivaut pas à négliger l’ampleur de l’exportation parallèle. Ces mêmes États-Unis dont les mœurs audacieuses et le puissant esprit d’entreprise ont agi assez fortement sur notre mentalité pour entamer à fond notre vieil idéal de médiocrité dorée, ces mêmes États-Unis éprouvent aujourd’hui un impérieux besoin de se latiniser. L’ordre et la clarté dont nous avons trop — dont nous aurions beaucoup trop surtout si le rapprochement franco-italien devait produire des effets d’exclusivisme intellectuel et social, — eux n’en ont point assez. Aussi l’heure a-t-elle sonné pour la France d’un grand rôle à jouer dans le perfectionnement de cette civilisation transatlantique à laquelle, d’autre part, nous sommes redevables d’une conception énergique et rajeunie des droits de l’individu et de sa fonction dans l’État.