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les leçons d’un cortège

Louis XVIII plaquait sur sa redingote de rentier quand il sentait le besoin de se militariser un brin. Renseignements pris, ces pékins à escortes ne sont autres que les gouverneurs de New-York, du Connecticut, de l’Ohio, de la Louisiane, de l’Indiana, du Mississipi, de l’Illinois, du Missouri, de l’Iowa, du Kansas et de l’Utah, c’est-à-dire des politiciens dépendant directement du peuple souverain, des espèces de proconsuls désignés par le suffrage universel ; or le suffrage universel est enchanté de les voir ainsi caracoler à la tête des troupes ; il contemple avec quelque dédain les autres — infirmes apparemment ou ne sachant pas manier un cheval — qui se font traîner piteusement en voiture. Teddy, il est vrai, est lui-même en landau ; mais la nation connaît les talents équestres de son président, — elle ne s’étonne pas, elle comprend que c’est à cause des diplomates, ces gens empotés du vieux monde faits pour rouler continuellement dans des carrosses dorés.

Le voici arrêté, le landau présidentiel ; Roosevelt, debout, ôte son chapeau sans descendre et, souriant, dit quelque chose d’amène à des jeunes filles qui lui offrent des fleurs sous l’égide de dames noires à cornettes blanches ; ce sont les religieuses du Sacré-Cœur et leurs élèves. De nouveau je voudrais me représenter un cortège officiel de chez nous tournant le coin de la rue de Sèvres et happé au passage par l’hommage fleuri du couvent des Oiseaux. Mais je ne parviens à imaginer qu’une fuite éperdue vers la gare Montparnasse à seule fin d’éluder l’effrayant contact de ces présents cléricaux.

Viennent ensuite, dans la brochure, les portraits de six personnages graves qui, pendant les trois jours de fêtes, furent chargés d’ouvrir et de clore par des prières les séances au cours desquelles déborda, torrentueuse, l’éloquence officielle. « En vérité, s’écriera le naïf blocard, je croyais qu’au Nouveau monde les Églises et l’État vivaient complètement séparés ! » — Parfaitement, naïf blocard ; on vit séparé, chacun s’occupant à son gré de ses petites affaires ; seulement on se réunit pour célébrer le culte de la