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une attaque directe qu’un procédé indirect plus sûr et moins coûteux se trouverait à leur portée.

L’énorme Chine est encore l’un des rares pays du monde qui puissent, au rebours des opinions de M. de La Palisse, faire la guerre sans cesser d’être en paix. Une autorité diffuse, d’astucieux délais, l’habitude de transformer (et même sans utilité quelconque, pour le simple amour de l’art) toute question en labyrinthe font de cette puissance molle et insaisissable la plus redoutable des voisines. Elle possède de véritables arsenaux de conflits envenimés et de querelles à longue échéance : arsenaux dont l’empereur et son gouvernement ne connaissent même point toutes les ressources et dont les clefs sont aux mains d’un vice-roi audacieux ou d’un mandarin influent.

Pour ces motifs, il est relativement aisé de faire naître en ces régions un état de trouble à la faveur duquel les meurtres, les incendies, les rapines, les attaques à main armée se propagent et se multiplient tant et si bien que la guerre existe longtemps avant d’avoir été déclarée. De semblables circonstances ouvrent la porte à toutes sortes d’interventions : mesures de protection pour les nationaux, demandes d’explications, envoi de troupes d’observation, saisies de gages, etc. Bien vite on en vient de là aux ultimatums et, quand il s’agit d’un empire colonial isolé, une catastrophe peut être proche sans que la métropole ait réussi à la prévoir et à se prémunir contre elle.

Telle est la nature du danger qui incontestablement menace l’Indo-Chine. Si, en ce moment, ce danger se présente à nous sous le reflet victorieux des couleurs japonaises, rien n’indique que d’ici à une quinzaine d’années nous ne l’apercevrons pas dans les plis ambitieux du drapeau australien. C’est un danger permanent et pour ainsi dire anonyme. Quiconque nous voudra du mal pourra puiser là à pleines mains des occasions et des moyens de nous en faire.