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victoires dédaignées

atteints par la moindre des grandes guerres modernes. Mais surtout relisez l’histoire, et depuis l’empire d’Alexandre vous ne trouverez pas d’exemple qu’une nation, en si peu de temps et à si peu de frais, se soit enrichie d’un pareil amas de territoires. Si c’étaient les Allemands, les Anglais, les Américains, les Japonais, les Espagnols qui, au lendemain d’une défaite écrasante, eussent réussi à accomplir un tel prodige, ils pâliraient d’orgueil en contemplant les contours de leur puissance restaurée, et certes cet orgueil serait légitime. Par quelle aberration se trouve-t-il des Français qui préfèrent tenir leurs regards enfermés dans le cercle étroit où chevauchent les regrets affaiblissants et les théories naïves ? Oh ! ces plaintes continuelles, cette myopie rageuse d’une part — et, de l’autre, ce doctrinarisme intransigeant, ce pédant utopisme, qu’ils sont néfastes et odieux !

Notez que chacun pourrait trouver motif à se réjouir si, au lieu de considérer obstinément les intérêts de la patrie à travers le prisme déformant de la politique et de la philosophie, on s’était accoutumé à les déchiffrer tout simplement sur la mappemonde où les réalités du temps présent s’inscrivent en termes d’une parfaite clarté. Car cette épopée glorieuse qui commence en 1873 avec la conquête du Delta tonkinois par Francis Garnier et s’achève en ce moment par la jonction définitive, à travers le Sahara, de l’Algérie et du Soudan français, elle n’est pas seulement composée de faits d’armes héroïques, mais représente encore l’effort colonial le plus modéré, le plus honnête et le plus humanitaire qui ait jamais été tenté par un grand peuple. À aucune époque, on n’avait vu à l’œuvre des explorateurs aussi soucieux de ne point verser un sang inutile, des officiers aussi résolus à assurer, dans la mesure du possible, le bien-être de leurs soldats, des administrateurs aussi empressés à introduire de justes lois et d’honnêtes coutumes dans le chaos indigène, un gouvernement enfin aussi scrupuleux à observer la lettre et l’esprit des traités. Il est bon de le répéter puisque aussi bien le colonialisme