Page:Coubertin - Pages d’histoire contemporaine.djvu/281

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
265
maintenant… renouons

autorisée était venue dire à cette majorité : « Vous savez, nous allons faire la séparation et nous allons là faire complète ; il ne restera rien du Concordat ; l’Église et l’État, chez nous, s’ignoreront totalement… » ne pensez-vous pas que bon nombre de députés auraient répondu : « Mais alors, point de rupture. Les deux actes non seulement ne sont pas connexes ; ils se contredisent. À la rigueur, la France peut se passer de l’ambassade, et à la rigueur, du Concordat ; elle ne peut se passer des deux. Il lui faut bien un contact, intérieur ou extérieur, avec le Saint-Siège, et cela par la seule raison que toutes les autres puissances en ayant, le neutre Brésil aussi bien que la schismatique Russie, la France se trouverait placée de la sorte dans une situation d’infériorité par rapport à ses rivales. »

Un tel langage eût été celui du clair bon sens. Ce n’est d’ailleurs un secret pour personne, au Palais-Bourbon, que parmi les approbateurs de la rupture beaucoup regrettent leur vote, parce que cette rupture est devenue le préambule de la séparation, ce qui ne devait pas être et ce qu’il n’était nullement dans leur intention de provoquer. Même à gauche, très à gauche, on a le sentiment que les intérêts français vont souffrir du fait que la France n’aura plus le moindre moyen d’action sur le Saint-Siège dont l’influence n’en continuera pas moins de s’exercer sur le monde. Comme fiche de consolation, les leaders affirment avec une confiance plus ou moins robuste que l’Église est entrée en agonie : agonie lente évidemment, mais au bout de laquelle on peut entrevoir le coma final ; les Papes vont devenir de simples dalaï-lamas ; de toutes parts, le dogme est chassé des âmes ; les projections lumineuses de la science fouillent les recoins obscurantistes. Quelques années encore et les autels de Jésus-Christ seront aussi déserts et aussi délabrés que l’étaient ceux de Jupiter ou de Minerve quand s’étendit sur l’empire romain le crépuscule des dieux.

Ô ignorance ! ignorance des sincères qui croient ces choses, et prodigieuse audace de ceux qui les racontent pour les besoins d’une si petite cause ! Ainsi, depuis vingt