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le balancier britannique

Anglais ont cru pouvoir repasser à l’insularisme ; car tel est le sens profond, on oserait dire le sens absolu des élections récentes. Quelques hommes d’État préconisaient des sacrifices considérables destinés à asseoir l’impérialisme anglo-saxon sur des bases de granit. Nos voisins ont trouvé que cela coûtait trop cher et, satisfaits de leurs efforts précédents et des résultats obtenus, ils ont marqué leur volonté de songer un moment à leurs affaires personnelles de se reposer… dans leur île. Le repos, certes, ne sera pas de longue durée. Avant que les six ans parlementaires aient passé, ils se trouveront en butte à de nouvelles exigences impériales ; de lointains ultimatums seront posés et la silhouette reparaîtra du grand frère robuste, candidat permanent à la direction de l’empire. Il faudra bien alors s’entendre, faire des concessions, se montrer impérialistes avant tout.

Quant à l’attente d’une dislocation générale, elle est vaine parce que le monde anglo-saxon, réputé si pratique et si peu sentimental, obéit au contraire à quelque chose de plus fort que l’intérêt, à un esprit de famille ou, si vous voulez, de race dont le passé n’offre point d’équivalent. La séparation des colonies d’Amérique s’est effectuée jadis avec violence dans des circonstances propres à laisser subsister de persistantes rancunes. Pourtant il est impossible de comprendre l’évolution des États-Unis si l’on ne tient pas compte du britannisme qui s’y révèle à chaque pas et qui a fini par triompher au grand jour de toutes les aspirations contraires. Une opinion cimentée par de tels liens moraux dépasse singulièrement en puissance et en résistance celles qu’établissent des traités ou même la similitude des intérêts. Seulement, pour me permettre une comparaison scientifique, je dirai que ladite union qui figure actuellement un cercle dont le centre est à Londres tend perpétuellement à se transformer en une ellipse dont Washington serait un des foyers et Londres l’autre. Un impérialisme vibrant et généreux qui ne se dépense pas seulement en paroles mais s’affirme par des actes est et restera l’unique moyen pour