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responsabilités nationales

exagérant l’énormité du contraste, le nouveau gouvernement n’a-t-il pas voulu donner le change sur les sentiments populaires et faire croire à une absolution octroyée par une sorte de plébiscite spontané ? Et puis, n’y a-t-il pas sur toute la surface du globe des hommes prêts à mener une ripaille en l’honneur d’un assassinai et à s’enivrer autour des cadavres ? Qui sait ce que pense, au fond de son âme fruste, ce peuple dont un de nos compatriotes, bien qualifié pour le juger, vantait la douceur facile et le tranquille fatalisme ?

Il existe deux justices qui se trouvent rarement d’accord. L’une, la justice divine, ou si l’on veut immanente, est absolue, parfaite et par là même inaccessible. Celle-là démêle les responsabilités intimes d’après des données certaines enfouies tout au fond des consciences ; ses arrêts demeurent secrets, ses sanctions ne sont point de ce monde. Il en est une seconde, relative et imparfaite, qui recherche en tâtonnant les responsabilités apparentes ; ses arrêts sont publics et ses sanctions souvent injustes. Et parce que nous sommes nous-mêmes des êtres finis et imparfaits, nous nous sentons condamnés à ne pouvoir vivre sans la seconde, faute de pouvoir jamais atteindre à la première. Sans cesse les innocents ont porté le poids des anathèmes encourus par les coupables, et ce sera toujours ainsi. Cette dure loi est une condition fondamentale de l’existence collective : par elle, si la réalité de la justice n’existe point, nous en possédons du moins la figure, l’image grossière, et cette image nous est indispensable.

L’Europe a ri quand, vaillamment, Thiers voulut dégager la France de l’entreprise belliqueuse reprochée à Napoléon iii. Et cependant l’on savait dès alors ce que le témoignage de Bismarck lui-même a précisé si audacieusement depuis : le piège tendu par la Prusse pour nous amener à déclarer la guerre. Cette déclaration, l’opinion universelle