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l’incertitude magyare

Constitution hongroise, — la race vaillante et souple aux mystérieuses origines a poursuivi son développement logique. Avec une égale vaillance, elle a défendu la chrétienté contre les Turcs et lutté pour la sauvegarde de ses libertés. Groupée autour du trône en péril de « son roi Marie-Thérèse » ou révoltée contre les entreprises d’un Léopold Ier ou d’un Joseph ii, elle a donné successivement l’exemple d’une intelligente abnégation et d’un héroïsme patriotique, et l’on ne sait qu’admirer le plus de l’élan avec lequel, il y a cinquante ans, elle répondit à l’appel du noble Kossuth ou de la sagesse qui l’amena peu après à se laisser conduire par l’ingénieux François Deak. Les voilà bien ces hommes dont on a pu dire (Asseline, Histoire de l’Autriche) qu’ils étaient « fougueux comme des cavaliers d’Attila et subtils comme des légistes de Byzance » ! Les voilà bien ces magnats confectionnés « avec la moitié d’un lord anglais et la moitié d’un émir oriental » ! D’où pourraient venir aujourd’hui à une telle race l’incertitude et l’effroi à propos d’un avenir qu’ont assuré tout à tour la force du poing et celle de la volonté, l’effort des muscles et celui de la pensée ?…

Examinez maintenant à la loupe une carte ethnographique et, laissant de côté les belles allées centrales de l’histoire, enfoncez-vous dans les fourrés où s’entre-croisent les sentiers confus tracés par les savants et les chercheurs. L’homogénéité rassurante s’efface graduellement. Nulle part les Magyars ne semblent les maîtres : sur leur propre territoire, Allemands, Slovaques, Ruthènes, Slovènes, Roumains, Serbes, Croates les enserrent et les pénètrent. Les uns occupent les frontières, les autres ont planté des colonies prospères en plein centre du pays. Et ce ne sont point des fils soumis ; ils veulent des privilèges ; ils réclament en faveur de leur langage, de leurs écoles, de leurs Églises, car la diversité des cultes n’est pas moindre que celles des races : il y a là des grecs-orthodoxes, des grecs-unis, des catholiques romains, des calvinistes, des luthériens, des unitariens. Cette situation n’est pas nouvelle ; elle emplit