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le redressement de l’axe

gueil français qui descend en droite ligne du rôle absurdement agrandi que nous attribuons à la Révolution.

La preuve en est que, pour mieux accentuer le relief de ces quelques années, nous laissons l’ombre se faire sur les siècles qui les précédèrent. L’hommage universel que nous réclamons pour les prétendus géants de cette triste époque, nous ne le souhaitons apparemment ni pour un Philippe-Auguste, ni pour un Louis IX, ni pour un Charles V, ni pour un Louis XI, ni pour un Henri IV. Les autres nations ont-elles donc produit à profusion des Sully, des Richelieu et des Colbert et, s’il faut absolument envisager notre histoire au point de vue de l’intérêt cosmopolite, de tels hommes n’ont-ils pas fait plus pour la cause du progrès général que Saint-Just ou Danton ?

Les petits écoliers de France reçoivent à cet égard un enseignement déformé. Tandis qu’en tous pays, les maîtres prennent soin d’exalter le sentiment national non seulement en magnifiant le rôle joué par la race mais en l’étendant le plus possible vers le passé lointain, les nôtres réservent toute la lumière pour la projeter sur la convulsion historique la plus récente, au détriment d’événements plus anciens et plus féconds ; ils collectionnent les hyperboles dont seraient dignes certains de nos héros oubliés pour louanger une pléiade énergique à coup sûr, mais criminelle aussi, et dont aucune unanimité n’est venue consacrer la renommée.

Étrange souci qu’explique seule l’erreur obstinée en laquelle nous vivons. Viendra le jour où l’Atlas révolutionnaire s’apercevra enfin qu’il a gaspillé beaucoup de force à soulever, pour en redresser l’axe, une boule… qui n’était pas le Monde.