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iii

OUVRIERS DE LA PREMIÈRE HEURE


Au premier rang des précurseurs, il convient de placer le comte Jacques de Pourtalès et le Docteur Jean Charcot. J’ai là sous les yeux un petit registre jauni dont les premières pages contiennent le « Règlement du Cercle de Madrid adopté en Assemblée générale le 5 mars 1876 » et ce règlement imprimé ultérieurement forma un élégant annuaire qui parut, si je ne m’abuse, orné de l’autorisation de la préfecture de police. Or le Cercle de Madrid n’était autre qu’une association scolaire ou plutôt interscolaire à laquelle il était permis d’utiliser les terrains du Tir aux pigeons. Jacques de Pourtalès en était le fondateur et le président et, de la comptabilité dont sa signature a légalisé le détail, on peut conclure que ses jeunes collègues, en dehors de leur activité sportive, consommaient passablement d’oranges. Le Cercle de Madrid ne vécut pas vieux : il n’en convenait pas moins de saluer au passage la jeune initiative d’où il était issu.

C’est au commencement de l’année scolaire 1880-1881, qu’un élève de l’École Alsacienne, alors âgé de quatorze ans, s’avisa de grouper ceux de ses camarades qui souhaitaient de jouer avec lui au football. Cet élève s’appelait Jean Charcot et son groupement la « Société sans nom. » La Société sans nom se passa de règlements ; elle put aussi se passer de budget grâce à la générosité de son fondateur. Jean Charcot ayant obtenu de M. Alphand l’autorisation d’occuper la pelouse de Madrid et d’y planter les poteaux réglementaires, organisa tout simplement un confortable vestiaire chez son père qui demeurait tout à côté, boulevard Richard-Wallace. C’est ainsi que les élèves de l’École Alsacienne — sans oublier un jeune professeur, M. Dollé, qui se mêlait à leurs jeux — furent les premiers en France à pratiquer le football[1]. Le public qui les regardait curieusement les prenait, paraît-il, pour « des Anglais parlant français ». Peu après se créa un Football-club avec lequel la « Société sans nom » fusionna. L’entraînement continua avec un

  1. M. André Berthelot et quelques-uns de ses amis déclarent y avoir joué en 1877 et avoir créé une petite société dans ce but. Je m’empresse de leur en donner acte.