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d’Arc. Je ne saurais trop vous engager à approfondir ces deux grandes figures, Washington et Lincoln ; la fréquentation de tels caractères est d’ailleurs salutaire et il est consolant pour l’humanité de songer qu’elle peut atteindre à pareille hauteur.

Pour un peuple si jeune, c’est beaucoup d’avoir été en moins d’un siècle deux fois sauvé de cette façon-là ; on comprend qu’il en ait ressenti quelque orgueil. Mais il y a une seconde leçon de choses qui a agi encore plus directement sur les Américains et qu’ils ont retenue encore plus aisément. Celle-là, il n’était pas besoin d’apprendre l’histoire pour la recueillir ; le plus ignorant la trouvait à sa portée. Je veux parler de l’absorption de l’émigrant européen par la civilisation transatlantique et de son « américanisation » rapide.

Il y aurait beaucoup à dire sur cette question. J’ai cru remarquer, pour ma part, que l’américanisation — passez-moi ce barbarisme — était la résultante du succès ; l’homme qui réussit devient Américain avec une facilité qui, cela est évident, tient du prodige ; mais celui qui échoue reste Européen. C’est ainsi que tout une partie de Chicago constitue un véritable damier international où les Français, les Suédois, les Allemands, les Slaves, les Italiens demeurent en groupes, retenant dans la misère les marques distinctives de leur nationalité, la langage et les habitudes de leurs races. D’autre part, l’américanisation des autres n’est peut-être pas aussi complète au fond qu’elle l’est en apparence. L’avenir seul en décidera. Il n’en reste pas moins vrai qu’en une génération, l’Europe semble perdre toute influence sur les fils de ceux qui l’ont abandonnée pour se fixer au Nouveau Monde et qui sont parvenus à s’y créer une situation, si modeste soit-elle. Il y a dans l’air respiré, dans l’existence vécue, quelque chose qui prend la jeunesse, la pénètre, l’enthousiasme et lui inocule en quelque sorte toutes les passions et tous les hérédités américaines. Le fait est très curieux et, certainement à ce degré, il est unique. Comment n’aurait-il pas agi puissamment sur l’imagination d’un peuple déjà si porté à se croire au-dessus de tous les autres ?

L’idée de la rénovation est par elle-même un peu vague ; elle peut revêtir les formes les plus variées. C’est ainsi que nous la trouvons au centre de la plupart des manifestations du sentiment religieux qui remplissent les annales américaines depuis le « covenant » de 1620 jusqu’au Parlement des Religions de Chicago en 1893. L’effervescence religieuse aux États-Unis, n’a jamais cessé : les controverses théologiques de l’époque colo-