Page:Counson - Malherbe et ses sources, 1904.djvu/216

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 208 —

fusionner les deux images était une idée trop simple pour qu’elle ne vînt pas à l’esprit de tous, et le Corpus Inscriptionum latinarum contient déjà une inscription funéraire qui en dit autant que Malherbe : Rosa simul floruit et statim periit. Ces images, Malherbe les avait vues dans Claudien, dans Properce, dans l’Anthologie latine ; il avait retrouvé dans l’Arioste la comparaison de la jeune fille à la rose[1] ; il l’avait retrouvée surtout chez les poètes français du XVIe siècle, et il avait rencontré chez ces derniers aussi la pensée de la brièveté des roses et de la vie humaine. Baïf avait dit :

Cette Rose tant émée
Comme l’autre ne sera,
Qui de matin estimée
Au soir se destimera,
Car l’autre rose fanie
Pourra perdre sa vigueur[2]


Du Bellay, dans la Métamorphose d’une Rose, faisait ainsi parler la dame transformée en rose :

Les grâces dont le ciel m’avoit favorisée,
Or que Rose je suis, me servent de rosée
Et l’honneur qui en moi a fleuri si longtemps,
S’y arde encor’entier d’un éternel printemps.

  1. Orlando Furioso, I, str. 42 :

    La verginella é simile alla rosa,
    Ch’in bel giardin su la nativa spina
    Mentre sola e sicura si riposa…

    Le passage de l’Arioste se trouve traduit dans la pièce mise par des Yvetaux en tête des œuvres de Desportes. Voy. sur ces images H. Guy, « Mignonne, allons voir si la rose… », réflexions sur un lieu commun (Bordeaux, Gounouilhon, 1902).

  2. Baïf, éd. Becq de Fouquières, p. 255. Villon emploie déjà le thème de la brièveté de la rose dans sa Ballade à s’amie, str. III (cf. G. Paris, François Villon, p. 110, n. 1).