Page:Cournand - Élégie faite dans un cimetière de campagne.djvu/1

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.




ÉLÉGIE
FAITE DANS UN CIMETIÈRE DE CAMPAGNE,
Imitation de l’Anglais de Gray ;

Par COURNAND, Professeur de Littérature Française
au Collége de France.


La cloche du soir sonne et plaint la mort du jour.
Les troupeaux, à pas lents, regagnent leur séjour ;
Le laboureur pensif rentre dans sa chaumière ;
Le deuil s’étend sur moi comme sur la lumière,
Ces plaines, ces lointains s’effacent à mes yeux ;
La lune roule en paix son char silencieux ;
À peine dans les airs quelque insecte bourdonne :
Tout se tait ; l’Univers au sommeil s’abandonne.
Seulement le hibou, triste enfant de la nuit,
Sous le lierre rampant, retiré loin du bruit,
Se plaint de l’importun que le hasard amène
Au pied de cette tour, son antique domaine
Là, parmi les monceaux de ces gazons nombreux
Où l’if funèbre épand ses rameaux ténébreux,
Reposent renfermés dans leurs tombes modestes,
Des pères du hameau les vénérables restes.
Ni le coq glapissant, le cor ni ses échos
Ne viennent les troubler dans ce dernier repos ;
Le vent frais du matin, le cri de l’hirondelle,
Rien de leur toit rustique aux champs ne les rappelle.
Le soir ne les rend plus à l’objet de leurs vœux ;
La flamme du foyer ne brille plus pour eux ;
Ils ne reverront plus leur famille si chère
Lutter innocemment pour les baisers d’un père.
Ils ont su maîtriser par l’effort de leurs bras
Une glèbe profonde et des sillons ingrats ;
Souvent à leurs sueurs la moisson s’est donnée.
Toujours d’utiles soins remplissaient leur journée,
Tantôt d’un air joyeux guidant leurs chars pesans,
Tantôt frappant un chêne endurci par les ans.