Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/190

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mêmes températures, soient des propriétés dont chacune est commune à un grand nombre de corps, elles ne peuvent pas être réputées avoir l’importance ou la valeur caractéristique de celles qui n’appartiennent qu’à une espèce ou à quelques espèces de corps, mais qui y sont indestructibles, et qui résistent à toutes les causes sous l’influence desquelles les corps changent d’état, en passant de l’état solide à l’état liquide, et ainsi de suite. C’est par des considérations et des inductions de ce genre, qu’en zoologie, en botanique, on assigne aux divers caractères des êtres organisés divers degrés d’importance ou de valeur, en tirant tous les éléments de cette classification des renseignements de l’observation, de la comparaison attentive des faits observés et de la force des inductions ou des analogies ; tant il est évident qu’en pareille matière nous ne pouvons rien affirmer a priori sur les rapports de subordination entre des faits dont la première origine est couverte pour nous d’un voile si épais !

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Il n’en est pas de même, au sujet des propriétés ou qualités des corps que l’on appelle inertes, pour lesquels nous nous trouvons en présence d’une croyance naturelle à l’esprit humain, d’un préjugé commun aux philosophes et au vulgaire, et qui consiste à admettre a priori l’existence de certaines propriétés ou qualités fondamentales, communes à tous les corps, en constituant l’essence, et devant contenir la raison ou l’explication de toutes les propriétés secondaires : soit que nous puissions ou non donner cette explication dans l’état actuel de nos connaissances. C’est de cette croyance naturelle ou de ce préjugé philosophique qu’il faut tâcher de rendre raison : il faut en discuter la légitimité, en profitant pour cela de tous les renseignements dont nous sommes redevables aux progrès de l’expérimentation et au perfectionnement des sciences. En tête de la liste des qualités premières ou fondamentales on a coutume de mettre l’étendue et l’impénétrabilité. Mais d’abord la notion vulgaire de l’impénétrabilité, telle qu’elle nous est procurée par le toucher d’un corps solide et par le sentiment de la résistance qu’il oppose au déploiement de notre force musculaire, cette notion répond à un phénomène très-complexe, dont la plus haute géométrie n’a pu jusqu’ici, tout en prodiguant les hypothèses, donner une explication vraiment