Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/213

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celle de parcourir des phases diverses d’intensité et d’énergie. La force de reproduction des organes détruits, dans les espèces inférieures où une telle reproduction s’observe, s’affaiblit et s’épuise par son action, de la même manière que s’affaiblit et s’épuise, dans les espèces supérieures, la reproduction des simples tissus, par une régénération trop souvent répétée. Quand des animaux, comme le lombric terrestre, donnent, par la simple section, des segments capables de régénérer chacun un animal entier, on remarque que, si l’on soumet successivement à l’amputation les segments régénérés, les êtres successivement produits vont en se simplifiant et en s’abaissant dans l’échelle de l’organisation animale. D’autres espèces présentent le phénomène, bien plus singulier encore, d’une fécondation qui suffit pour plusieurs générations successives : mais pourtant la vertu prolifique finit par s’épuiser, et elle n’est pas transmise sans déchet d’une génération à la suivante ; et par une cause analogue, s’il arrive rarement que les croisements des espèces soient féconds, il arrive beaucoup plus rarement que les produits soient féconds eux-mêmes, et plus rarement encore que la fécondité passe aux produits des produits. Si la disposition des germes à la reproduction des variétés individuelles se montre dans la série des générations successives, même après des interruptions ou des intervalles, la répétition des intervalles tend à l’affaiblir et finalement à l’éteindre. Ce que nous disons de la force prolifique ou régénératrice, s’applique à toutes les forces vitales ou à toutes les manifestations diverses de la même force, qui produisent le développement, la réparation et la conservation de l’organisme. On voit la vie organique et la force plastique douées chez l’embryon, chez le fœtus, et ensuite chez le petit pendant toute la durée de la croissance, d’une énergie qui va en s’affaiblissant à mesure que les linéaments de l’organisation sont mieux arrêtés et s’approchent davantage de leur forme définitive. La force reproductrice arrive à son tour à sa plus grande énergie, pour parcourir des phases analogues de décroissement ; et enfin la force conservatrice des organes, celle qui lutte contre l’action incessante des forces générales de la nature, celle qui entraîne passagèrement dans sa sphère d’action