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Nous croyons avoir démontré, aux chapitres VII et VIII, que les sens ne concourent directement à la connaissance du monde extérieur, qu’en tant qu’il nous donnent la représentation de l’étendue ; et nous avons vu que cette vertu représentative est liée à la forme de la sensation, attendu que c’est uniquement par la forme qu’il y a homogénéité entre l’impression des sens et les causes extérieures de l’impression produite. Mais nous ne concevons pas seulement l’étendue en tant que propriété des agrégats matériels ou des corps qui tombent sous nos sens : nous la concevons aussi comme le lieu des corps, comme l’espace où les corps se meuvent et où s’opèrent tous les phénomènes du monde extérieur. Cette idée est telle, ou nous semble telle, qu’elle aurait encore un objet, quand même les corps cesseraient d’exister ; quand même les phénomènes dont l’espace est le théâtre cesseraient de se produire. De même nos sensations ont la propriété de durer ; le souvenir de nos sensations persiste ou dure encore après que les organes des sens ont cessé de subir l’impression des objets extérieurs. Les phénomènes du monde extérieur, dont les sensations nous procurent la connaissance, ont eux-mêmes une durée : et de la notion de la durée des phénomènes nous passons à l’idée du temps dans lequel les phénomènes se rangent et s’accomplissent. Cette idée est telle ou nous semble telle, qu’elle aurait encore un objet, quand même les phénomènes du monde extérieur se déroberaient à notre connaissance ou cesseraient de se produire : et que cet objet ne serait pas détruit par notre propre destruction, par la suppression