Page:Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.djvu/79

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nous savons, par la théorie et par l’expérience, que le mouvement de rotation de la terre ne comporte pas une telle accélération ; mais il faut cette connaissance extrinsèque pour légitimer en pareil cas l’induction du fait actuellement observé au fait futur. Au contraire, de ce que la température de la surface de la terre est depuis longtemps compatible avec l’existence des êtres organisés, et même ne paraît pas avoir subi depuis les temps historiques de variation appréciable, nous aurions grand tort d’induire qu’elle a été et qu’elle sera toujours compatible avec les conditions de vie des végétaux et des animaux connus, et même de végétaux et d’animaux quelconques. Le jugement par lequel nous croyons à la stabilité de certaines lois de la nature, ou par lequel nous affirmons que le temps n’entre pas dans la définition de ces lois, repose, ou sur une théorie des phénomènes, comme dans le cas de la pesanteur terrestre pris pour exemple, ou sur une induction analogue à celles que présentent d’autres cas déjà cités ; mais il ne faut pas dire inversement que l’induction provient d’une pareille croyance. Il est vrai de dire encore que nous sommes portés à concevoir toutes les lois de la nature, et celles mêmes dans l’expression desquelles entre le temps, comme émanant de lois plus générales ou de décrets permanents, immuables dans le temps ; mais ceci appartient à un ordre de considérations supérieures, auxquelles la logique et la science proprement dite n’atteignent pas, et dont nous pouvons, dont nous devons même faire abstraction ici.

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Le jugement par analogie se rapproche à bien des égards du jugement par induction, et n’en peut pas toujours être nettement distingué. Selon Kant, « l’induction conclut du particulier au général, d’après le principe de la généralisation, à savoir : que ce qui convient à plusieurs choses d’un genre, convient aussi à toutes les autres choses du même genre ; tandis que l’analogie conclut de la ressemblance partielle de deux choses de même genre, à leur ressemblance totale… l’induction étend les données empiriques du particulier au général, par rapport à plusieurs objets ; l’analogie, au contraire, étend les qualités données d’une chose à un plus