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les lois générales du monde physique, aussi bien que les lois spéciales à la nature vivante.

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C’est maintenant entre ces deux hypothèses ou explications que la comparaison doit s’établir : et d’abord nous traiterons de la première, de celle qui repose sur l’idée d’un concours fortuit, et de l’épuisement des combinaisons fortuites, dans un espace et dans un temps sans limites. Cette explication, sans cesse reproduite et sans cesse combattue, peut d’autant moins, quoi qu’on en ait dit, être passée sous silence ou dédaigneusement traitée, qu’elle est, pour certains détails et entre certaines limites, celle qui satisfait le mieux la raison, ou même la seule que la raison puisse accepter. Il est clair que l’être dont toute l’organisation ne concourt pas à la conservation de l’individu est condamné à périr, et que de même l’espèce ne peut subsister que sous la condition du concours de toutes les circonstances propres à assurer la propagation et la perpétuité de l’espèce. On en conclut que, dans la multitude infinie des combinaisons auxquelles a donné lieu le jeu continuel des forces de la nature, dans le champ illimité de l’étendue et de la durée, toutes celles qui ne réunissaient pas les conditions de stabilité ont disparu pour ne laisser subsister que celles qui trouvaient, dans l’harmonie toute fortuite de leurs éléments, des conditions de stabilité suffisante. Et en effet, nous voyons que les espèces et les individus sont très-inégalement partagés dans leurs moyens de résistance à l’action des causes destructives. Pour les uns, la durée de la vie s’abrège ; pour les autres, la multiplication se restreint. Que les forces destructives deviennent plus intenses ou les moyens de résistance plus faibles, le germe ne se développera point, l’individu ne naîtra pas viable, ou l’espèce disparaîtra. Or, l’observation nous apprend en effet que des espèces se sont éteintes, et que tous les jours des individus restent à l’état d’ébauche et ne réunissent pas les conditions de viabilité.

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Il est à propos de remonter plus haut ; car ces considérations s’appliquent, non-seulement aux êtres organisés et vivants, mais à tous les phénomènes cosmiques où l’on trouve des marques d’ordre et d’harmonie. Notre système planétaire, si remarquable par les conditions de simplicité et de stabilité auxquelles il satisfait, n’est lui-même qu’un grain de poussière dans les espaces célestes, une des combinaisons