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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

Il n’avait obtenu qu’un congé de trente-six heures avec l’obligation de revenir au cantonnement pour l’appel de l’après-midi. Sans doute aurait-il pu enfreindre l’ordre sans qu’on lui en tînt rigueur en ces moments de désarroi et de confusion. Mais c’eût été le mal connaître que de le croire capable de négliger son devoir pour son plaisir. D’ailleurs, n’était-il pas caporal ? Il devait l’exemple.

On fut désolé à la villa des Mouettes de déjeuner sans lui, car Thérèse avait tenu à s’occuper elle-même de la cuisine dans son plaisir de fêter le soldat. Il est vrai que les plats de résistance avaient été réservés pour le repas du soir ; le jeune homme, dégagé cette fois du souci de la discipline, y ferait sans doute honneur avec un plus robuste appétit. Donc le mal n’était pas si grand. Toutefois, Thérèse sembla préoccupée tout l’après-midi. Pourvu que la situation n’eût subitement changé et que le troupier ne fût retenu à Lisseweghe ! Elle en aurait éprouvé un immense chagrin, car c’est à peine si elle avait eu le temps d’échanger quelques mots avec lui. D’ailleurs, c’est elle qui, ce matin, l’avait tout de suite poussé sur la plage pour qu’il jouît du grand air avec les enfants. Que de choses elle avait à lui dire au sujet des siens ! Que de confidences et de récits ne devait-il pas lui faire à son tour sur la pénible existence qu’il menait depuis plus de deux longs mois !

Tandis qu’elle songeait ainsi en cousant, assise comme d’habitude sur une chaise de paille à