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LE ROMAN D’HIPPOLYTE

Oui, voilà qu’elle retrouvait son chevalier d’antan. Elle le revoyait, lignard frais émoulu de la caserne, lui apportant rue de Flandre ce gros bouquet de roses, le jour de sa première sortie du Petit-Château. Et un attendrissement délicieux s’emparait de tout son être en même temps que la pression toujours plus vive du bras de son ami contre le sien lui causait une sensation indéfinissable, mêlée d’inquiétude et de plaisir.

Hippolyte s’était tu un instant. Bientôt, il reprit :

— Tout ce que nous avons fait, on le dira un jour avec détails, car le moment n’est pas venu de célébrer une campagne qui commence à peine et bien qu’elle compte déjà tant d’exploits, tant de jours d’épopée ! Et d’ailleurs il est difficile d’écrire quand la fumée de la poudre enveloppe encore les événements et que retentissent toujours les échos du canon… Que nous réserve l’avenir ? Je l’ignore, mais ce que je sais bien, c’est qu’il ne nous verra pas moins vaillants ni moins résolus à lutter jusqu’à notre dernier souffle…

Il s’exaltait. Sous l’empire d’une émotion incoercible, ses phrases se solennisaient, s’ampoulaient malgré les efforts qu’il faisait pour se maîtriser et rester simple. Dans la splendeur constellée de la nuit, sa voix résonnait par dessus le murmure monotone de la mer dont on distinguait là-bas l’indécise guirlande d’écume.