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DISCOURS

Ainſi l’inſtrument vocal, réunit en lui les avantages des inſtrumens à vent & des inſtrumens à touche. Comme inſtrument à vent, on en tire des ſons. Comme infiniment à touche, on en tire des tons.

L’homme ne peut augmenter ni le nombre des ſons, ni le nombre des tons. Donnés par la Nature, formant l’étendue de l’inſtrument vocal, réſultant de ſon organiſation, ils ſont indépendans de l’homme ; ce n’eſt point lui qui a inventé ces choſes merveilleuſes : ce n’eſt point lui qui les rendit propres à peindre ſes idées. Tout ce qu’il peut faire, c’eſt de combiner ces Élémens entr’eux, & par cette combinaiſon, donner à l’art de la parole toute l’étendue poſſible.

Les ſons & les tons ne different pas ſeulement quant à leur origine ; ils different encore par la durée dont ils ſont ſuſceptibles. Les ſons étant produits par l’émiſſion de l’air, ſe ſoutiennent ; autant que cette émiſſion a lieu. Les tons étant produits par un raprochement inſtantané de quelques parties de l’inſtrument vocal, n’ont que la durée d’un inſtant : on peut à la vérité en renouveller le jeu auſſitôt ; mais il en réſulte une répétition, & non une continuité du même ton.

Les uns & les autres different d’une manière encore plus ſenſible par les objets qu’ils ſont propres à peindre ; & c’eſt pour n’avoir pas aperçu cette différence, qu’on n’a pas juſqu’ici rendu raiſon d’une manière ſatiſfaiſante de l’origine de la parole. Les ſons peignent nos ſenſations ; & cette vérité, tout le monde l’a aperçue : mais les tons peignent nos idées, et c’eſt ce qu’on ignoroit ; enſorte que pour n’avoir pas ſenti que nous trouvions dans l’inſtrument vocal lui-même, les Élémens de la peinture des idées, comme nous y trouvons ceux de la peinture des ſenſations, on ne pouvoit apercevoir nettement l’origine de cette peinture des idées.