Page:Courteline - Ah Jeunesse!, 1904.djvu/63

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Oui, ah ! oui, c’en était un type, ce Lamerlette, et en voilà un, par exemple, qui peut se vanter de m’avoir fait rire. C’était le contraire du bon sens, ce garçon ; l’absurdité elle-même faite chair et poussée à de tels paroxysmes qu’elle en devenait démontante. Que de fois je le vis employer les deux sous qui composaient toute notre fortune à acheter des cure-dents, des épingles à cheveux ou des portraits de l’empereur du Brésil !

Il trouvait cela tout naturel et il le proclamait avec tant de candeur que je perdais jusqu’à la force de le blâmer.

Tout de même nous dansions devant le buffet ces jours-là, car l’épicier de la rue Burq n’était pas toujours en humeur de faire de la politique, et puis enfin il fermait le dimanche, ce brave homme ! Mais, bah ! c’était l’âge admirable où l’on vivrait sans boire, ni manger, ni dormir, l’âge où l’on vit, parce que l’on vit, et qu’il n’y a pas à en chercher plus long. Ah ! la jeunesse !… la jeunesse !…

Il s’interrompit.

Du bout de sa brosse il posa un reflet de lumière en la prunelle du saint Jérôme qu’il peignait. Et tandis que je le regardais faire, silencieux et inté-