Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/140

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plique !

Mais Gaubray, confidentiel, la phrase murmurée à bouche close et présentée comme une fleur, eut juste le temps de placer dix mots.

— Halte !

L’acteur se tut.

Tourné, la main en visière sur les yeux, dans la direction du fauteuil où il savait son ami installé :

— Dis donc, Cozal, criait à présent Hamiet.

— Présent ! répondit le jeune homme.

— Mon cher, j’ai une idée !

— Tu m’étonnes !

— Épatante ! – Si le docteur était ventriloque ?

— Ventriloque !

— Oui.

— À propos de quoi ?

— Ça donnerait une scène très drôle. Tu vas voir. Le rideau lève. Bien. Le décor représente le cabinet du docteur Bougredâne, l’homéopathe bien connu. Le docteur, qui est seul en scène, – tu as bien compris ? Seul en scène !… – est engagé avec lui-même dans un dialogue à plusieurs personnages au cours duquel successivement et avec des voix différentes il se pose des questions, se donne des réponses, s’interroge, se renseigne, se désole, se rassure, prononce tour à tour, en voix de basse :

« Je suis perdu, hein, docteur ? » ; en voix de fausset : « Mon mal est sans remède, n’est-ce pas ? » ; en voix de femme : « Docteur, sauvez-moi ! je n’ai plus d’espoir qu’en vous ! » ; enfin, de son organe naturel : « Calmez vos craintes, mes chers clients. Vous êtes bien bas tous les trois, mais ma science est illimitée, et avec l’aide de Dieu, je jure de vous guérir ! »