Page:Courteline - Les Linottes, 1899.djvu/36

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d’extrême jeunesse et sa joliesse distinguée, ses façons de s’aller nicher entre les bras et de feindre des sommeils ravis parmi la nappe d’encre des cheveux répandus, faisaient de lui un amant exquis, flattaient en Marthe ce fond de tendresse maternelle qui complique et qui purifie l’ardeur passionnée des femmes déjà mûres.

Il la trompait d’ailleurs autant de fois que l’occasion s’en présentait, mais régulièrement le mardi, avec une apprentie blanchisseuse du quartier, apportant à l’accomplissement de ce devoir la ponctualité zélée d’un employé avide d’avoir de l’avancement. Il avait, en effet, cette petite faiblesse de ne pouvoir rencontrer un jupon sans éprouver, à l’instant même, l’envie de le soulever pour voir ce qu’il y avait dessous. C’était un être délicieux, qui tenait que les femmes sont des fleurs, et qui, s’il avait pour la rose une préférence non douteuse, ne méprisait pourtant ni l’humble violette, ni l’œillet odoriférant, ni la pervenche comparable aux sombres yeux des petits chats, ni l’anthémis, qui porte collerette comme Catherine de Médicis. De même, il aimait fort le lys, à cause de sa forme élancée ; le coquelicot, à cause de sa forme épanouie ; le lilas mauve, à cause de sa couleur mauve, et le lilas blanc, à cause de sa couleur blanche. Sans doute, à la réflexion, il ne pensait pas qu’il fît bien de tromper ainsi son amie, mais non pas non plus qu’il fît mal, car le cœur n’y était pour rien, et il considérait la chose comme une façon de platonisme à rebours, qui laissait en paix ses scrupules. Point jaloux, il eût été pleinement heureux. Le malheur est qu’il l’était, justement, et au delà de toute expression, d’une jalousie de vieux tyran, qui lui portait le sang aux yeux pour une niaiserie. Il avait pour les autres l’intolérance hargneuse des gens qui ont la conscience