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memoires

ſur Marne, des Montmoranci & de quantité d’autres Maiſons qui brillent parmi la Nobleſſe de France. S’il apartient à quelqu’un de ſe vanter, quoi que ce ne doive être qu’à Dieu, c’eſt tout au plus à des perſonnes qui ſortent d’un ſang auſſi illuſtre que celui-là : Quoi qu’il en ſoit ayant été élevé aſſez pauvrement, parce que mon Pére & ma Mére n’étoient pas riches, je ne ſongai qu’à m’en aller chercher fortune, du moment que j’eus atteint l’âge de quinze ans.

Tous les Cadets de Bearn, Province dont je ſuis ſorti, etoient aſſez ſur ce pied-là, tant parce que ces peuples ſont naturellement très belliqueux, que parce que la ſterilité de leur Païs n’exhorte pas à en faire toutes leurs délices. Une troiſiéme raiſon m’y portoit encore, qui n’étoit pas moindre que ces deux là, auſſi avoit-elle, avant moi, engagé pluſieurs de mes voiſins & de mes amis en quitter plûtôt le coin de leur feu. Un pauvre Gentilhomme de nôtre voiſinage, s’en étoit allé à Paris, il y avoit quelques années avec une petite male ſur le dos, & il avoit fait une ſi grande fortune à la Cour, que s’il eut été auſſi ſouple qu’il avoit de courage, il n’y eut eu rien à quoi il n’eut pû aſpirer. Le Roi lui avoit donné ſa Compagnie des Mouſquetaires qui étoit unique en ce tems-là. Sa Majeſté diſoit même pour mieux témoigner l’eſtime qu’elle en faiſoit, que ſi elle eut eu quelque combat particulier à faire, elle n’eut point voulu d’autre ſecond que lui. Ce Gentilhomme s’appelloit Troisville, vulgairement appellé Treville, & a eu deux enfans qui é-