Page:Couturat - Le principes des mathématiques, La Philosophie des mathématiques de Kant (1905) reprint 1980.djvu/249

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est tout autre chose que ce que je pense dans le simple concept de corps en général » (B. 11). La pensée de Kant est encore précisée par un passage de la Logique (§ 36) : « A tout x auquel convient le concept de corps (a + b), convient aussi l’étendue (b), c’est un exemple de jugement analytique. A tout x auquel convient le concept de corps (a + b), convient aussi l’attraction (c), c’est un exemple de jugement synthétique. » Les lettres par lesquelles Kant a cru devoir représenter les concepts élémentaires prouvent clairement qu’il considère un concept comme un assemblage de « concepts partiels » qui en sont les « caractères essentiels ». Or c’est là une conception unilatérale et simpliste de la Logique, qui remonte à Aristote, que Kant a vraisemblablement héritée de Leibniz, mais qui n’en est pas moins radicalement fausse. Par conséquent, la distinction des jugements analytiques et synthétiques, qui repose sur elle, n’a pas une valeur générale, et nous verrons tout à l’heure qu’elle ne s’applique même pas à tous les exemples que Kant a cités à l’appui. Nous serons donc obligés de lui substituer une autre définition qui ait une valeur universelle.

Mais auparavant, il convient de se demander quel est le sens que Kant attribuait exactement à cette distinction. Elle peut recevoir, et elle a en effet reçu des interprètes deux sens bien différents : un sens psychologique et un sens logique. Au sens psychologique, elle porte sur ce que nous pensons, en fait, en formulant le jugement ; au sens logique, elle porte sur le contenu intellectuel du jugement, contenu objectif et indépendant [241]