Page:Couturat - Le principes des mathématiques, La Philosophie des mathématiques de Kant (1905) reprint 1980.djvu/265

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n’est pas besoin de recourir à aucune intuition, que ce soit celle des doigts de la main, de jetons ou de cailloux, pour démontrer en toute rigueur cette proposition. Kant prétend que le caractère synthétique des vérités arithmétiques apparaît encore mieux lorsqu’il s’agit de nombres élevés (B. 16). Mais cet argument se retourne contre lui. En effet, il est pratiquement impossible d’avoir l’intuition précise et complète de nombres de l’ordre des millions, et jamais on ne pourrait les manier ni les calculer exactement s’il fallait recourir à l’intuition. Ce qui est vrai des grands nombres l’est aussi des plus petits, et par conséquent ce n’est pas l’intuition, mais le raisonnement, qui nous permet d’affirmer que 2 et 2 font 4.

Telle n’est pas l’opinion de Kant, qui considère au contraire toutes les vérités arithmétiques singulières de ce genre comme des propositions « immédiatement certaines », « évidentes » et « indémontrables » (B. 204-205). Il en résulte cette conséquence fort choquante, qu’on devrait admettre une infinité d’axiomes, puisque de telles vérités sont en nombre infini. [