Page:Couturat - Le principes des mathématiques, La Philosophie des mathématiques de Kant (1905) reprint 1980.djvu/301

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là où l’on emploie cette méthode (dont les géomètres modernes les plus rigoureux s’abstiennent totalement), on ne se borne pas à constater de visu, la superposition ; on démontre qu’elle doit avoir lieu, c’est-à-dire que les deux figures à superposer sont déterminées d’une manière univoque par les éléments donnés : de sorte que de l’identité de ces éléments on peut conclure l’identité des figures totales. Or cette détermination univoque repose sur la définition même des figures ; par exemple, du fait que deux droites ont deux points communs, on conclura qu’elles coïncident : ce n’est pas là une constatation intuitive, mais une conséquence logique de la définition de la droite ; et ainsi de suite.

LE PARADOXE DES OBJETS SYMÉTRIQUES.

Mais ici on peut nous objecter le fameux paradoxe des objets symétriques. Il y a des figures (à 3 dimensions) qui sont « semblables et égales » dans tous leurs éléments, et pourtant « incongruentes », c’est-à-dire qui ne peuvent coïncider : tels sont les triangles sphériques opposés, les hélices dextrorsum et sinistrorsum, les deux côtés du corps humain, les deux oreilles, les deux mains, etc. Cette différence, selon Kant, ne peut être définie ni expliquée par aucun concept, mais seulement par l’intuition ; et elle prouve la nature intuitive des figures géométriques et de l’espace lui-même. Il n’est peut-être pas inutile de remarquer, d’abord, que ce paradoxe avait été invoqué auparavant par Kant pour prouver une thèse toute différente, et presque contraire, celle de l’espace absolu. La diversité des objets symétriques ne pourrait s’expliquer par leurs relations internes (qui sont identiques), et ne serait concevable que par leur rapport à l’espace absolu. [293]