Page:Couturat - Le principes des mathématiques, La Philosophie des mathématiques de Kant (1905) reprint 1980.djvu/305

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soleil la tête au N. et les pieds au S., elles tournent de gauche à droite pour un observateur placé dans la position inverse. Ainsi la distinction des deux sens est relative à la distinction du N. et du S. qui est elle-même relative ; car il n’y a ni haut ni bas dans l’univers.

On dira peut-être que, malgré tout, la différence des objets symétriques est quelque chose d’indéfinissable, et que ce qui le prouve, c’est l’impossibilité où nous sommes de la définir autrement que par référence à des cas particuliers, c’est-à-dire à l’intuition : nous sommes obligés en effet de nous servir des termes de droite et de gauche, qui sont relatifs à notre propre corps, que nul ne peut définir, et qui ne peuvent être distingués que par un sentiment immédiat et inanalysable. A cela nous répondrons que cet argument porte, non plus sur la possibilité de distinguer intellectuellement les figures symétriques, mais seulement sur les moyens que nous employons pour les distinguer dans le langage, c’est-à-dire pour les désigner aux autres. Dans l’opuscule : Was heisst sich im Denken orientiren ? [Qu'est-ce que s'orienter dans la pensée ?] (1786), Kant soutient qu’on ne peut s’orienter, c’est-à-dire distinguer les quatre points cardinaux, qu’au moyen du sentiment subjectif de la droite et de la gauche ; et il ajoute : « Je l’appelle un sentiment, parce que ces deux côtés ne présentent extérieurement dans l’intuition aucune différence sensible » (Ed. Hart., IV, 341). Il oublie qu’il y a une différence parfaitement sensible et absolument objective entre les deux demi-droites opposées qu’un point détermine et sépare sur une droite indéfinie, attendu qu’elles n’ont pas d’autre point commun. Il y a là une distinction intelligible et bien claire, et non une simple distinction de sentiment. Les dénominations de droite et de gauche ne servent nullement à les distinguer, mais simplement à les désigner verbalement. De même, nous nous servons des indications géographiques ou anthropomorphiques de nord et de sud, de haut et de bas, pour désigner les deux sens inverses d’une droite (d’un axe de coordonnées), ou de l’expression : « sens des aiguilles d’une montre » pour désigner les deux sens possibles d’une rotation sur un cercle ; [297]