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poésies.


Alors Napoléon, nouveau dieu de la guerre,
De l’éclat de son glaive éblouissant la terre,
Avait changé l’Europe en un champ de combats.
Et, si vite il allait, fatiguant la victoire,
Qu’on eût dit que bientôt, trop petit pour sa gloire,
Le vieux monde vaincu manquerait sous ses pas.

Quand les fiers bulletins des exploits de la France
Venaient des Canadiens ranimer l’espérance,
On voyait le vieillard tressaillir de bonheur ;
Et puis il regardait sa glorieuse épée,
Espérant que bientôt cette immense épopée
Viendrait sous nos remparts réveiller sa valeur.

Quand le vent, favorable aux voiles étrangères,
Amenait dans le port des flottes passagères,
Appuyé sur son fils, il allait aux remparts :
Et là, sur ce grand fleuve où son heureuse enfance
Vit le drapeau français promener sa puissance,
Regrettant ces beaux jours, il jetait ses regards !

Alors il comparait, en voyant ce rivage,
Où la gloire souvent couronna son courage,
Le bonheur d’autrefois aux malheurs d’aujourd’hui :
Et tous les souvenirs qui remplissaient sa vie,
Se pressaient tour à tour dans son âme attendrie,
Nombreux comme les flots qui coulaient devant lui.

Ses regards affaiblis interrogeaient la rive,
Cherchant si les Français que, dans sa foi naïve,
Depuis de si longs jours il espérait revoir,
Venaient sous nos remparts déployer leur bannière :
Puis, retrouvant le feu de son ardeur première,
Fier de ses souvenirs, il chantait son espoir.